Balcon du Gélas


Le Gélas vu depuis la Madone de Fenestre

Une ascension dans de bonnes conditions se prépare: lever tôt et départ de Nice à 6h45. Les conditions de circulation étant bonnes à cette heure là, nous étions sur le chemin à la Madone de Fenestre à 8h15. Selon le bouquin de mon coéquipier (Fred), la rando complète prend 7h, soit 4 bonnes heures de montée. Nous avons opté, sur proposition de mon coéquipier, pour une montée directe via un vallon sauvage ne possédant par vraiment de sentier mais quelques cairns, il s'agit de "l'itinéraire d'hiver". Evidemment nous n'avons pas trouvé le chemin, nous avons du demander conseil à un gars moyennement sympathique mais connaissant bien le terrain. Ce vallon était magnifique, en pente douce et paisible, ce fut un premier avant-goût de l'aventure. Il se termine à son sommet par une grande barre rocheuse type verrou glaciaire. Le sentier cairné contourne cette obstacle par la gauche, mais mon coéquipier, avec son flair de montagnard nantais, a repéré un passage dans la barre rocheuse ressemblant de loin à un raccourci. C'était un peu raide (gazeux diraient certains) mais nous étions chauds, avides de sensations et pleins de gnaque. C'est donc avec peu d'hésitation que nous nous sommes lancés à mains nues à l'assaut de ce "chemin". Ce n'était pas si facile, les prises étaient humides et le terrain herbeux. A mi chemin, Fred, ne trouvant plus de prise sûre, a ravalé son fiel et décidé de rebrousser chemin. Non sans peine, nous avons donc retrouvé le plancher des vaches. Après que nous ayons repris nos esprits, la conclusion de mon coéquipier sonne sans appel: « Génial, nous avons désescaladé du niveau 3 ! ». En fin de compte, nous avons repris la voie classique, peut-être moins directe, mais demandant moins souvent l’aide des mains.

C’est ainsi que nous avons dû passer plusieurs verrous en suivant un cheminement parsemé de cairns de plus en plus rares au milieu de gros blocs d’éboulis. Chacun de ses passages se faisait un pente forte et surtout dans un terrain difficile et très exigeant physiquement. Mais notre motivation n’en était que renforcée. Arrivé au sommet d’un verrou, nous sommes tombés nez-à-museaux avec un troupeau de chamois venant boire dans une gouille de fonte au milieu d’un lac encore enneigé. Ils étaient une bonne quinzaine, dont quelques petits au pelage de peluches, gambadant dans tous les sens. Mais ce repos fut de bien courte durée, il nous fallait attaquer encore un nouveau verrou au milieu de blocs et dans des contreforts pentus. Dés que nous avons repris notre course, le troupeau a vite regagné des pentes inaccessibles.


Fred au déverrouillage

Ce n’est qu’après que nous avons atteint la côte 2600-2700 m. Il nous restait encore deux bons verrous à passer avant d’atteindre la combe finale. Les deux derniers vallons étaient encore largement enneigés. Nous avons cramponné dès l’avant dernier, au niveau duquel nous rejoignons enfin le chemin classique arrivant notre gauche en traversant les éboulis des contreforts de la cime du Gélas. Le dernier vallon, celui qui se termine par le balcon du Gélas, crête rocheuse découpée et nue, était un long parcours de neige que l’on parcourre sur la crête donnant sur la Lac Long, en cours de dégel, qui domine la Gordolasque. Déjà on se sent dans un autre univers : à droite on découvre la Malédie (impressionnant éperon rocheux) et le Clapier au sommet arrondi, dont les pentes paraissent plus accessibles. A gauche dominent les deux masses rocheuses qui forment le sommet du Gélas, fendues par le fameux couloir où l’on voyait évoluer péniblement quelques alpinistes encordés. Nous avons rejoint le but de notre course par un dernier coup de cul rendu d’autant plus difficile par le poids des crampons aux pieds, la fatigue accumulée depuis le matin, et l’altitude.

Le fameux couloir du Gélas, dans son manteau blanc de mi-juillet 2001

La vue qui s’offre à nos yeux au sommet du balcon (3070m) n’a rien à voir avec tout ce que nous avons vu jusque là. D’abord on se sent dans la gouttière du toit du Mercantour, la vue est complète et n’est barrée qu’au sud-ouest par le Gélas. On contemple d’abord les lieux connus : Cime de l’Agnelière, Cime du Diable, Monts Poncet et Neiglier, Cime du Diable, Gd Capelet, Mt Bégo, jusqu’à la Pointe Margaréis à l’est et le Cheiron au Sud.

L'impressionnante Cime de la Malédie (3059m) et le rocailleux Mt Clapier (3045m) à l'Est immédiat du Gélas

On voit également une partie de la chaîne frontalière du Mercantour, haute Tinée et Mt Mounier. A pic sous nos chaussures, on frémit de voir le côté italien, vertigineux (l’accès au balcon du Gélas nécessite la corde et un bon niveau d’escalade après une longue course sur d’immenses névés crevassés), enneigé, et prolongé par de larges vallées profondes. Se dresse alors le majestueux massif de l’Argentera, qui paraît d’ici presque facile d’accès. Enfin, la vue s’ouvre sur l’immense plaine du Pô, le Viso, quelques pointes des Ecrins, et tout au fond la barre enneigée de la frontière Suisse-Italie et ses 4000, dont l’énorme massif du Mt Rose et du Cervin.

La vue versant italien : d'abord la vaste étendue de la Plaine du Pô, puis le liseret blanc du massif du Mt Rose

Arrivés en haut entre 12h30 et 13h, le temps étant extraordinairement découvert, pas de vent, et à peine quelques nuages autour du Viso, dont un ciel à perte de vue.

Parfait pour s’ouvrir l’appétit : déjeuner sur la crête, en plein cagnard, à regarder redescendre les cordées sur la crête du Gélas (les gens montent par le couloir, et redescendent par la crête).

Vers 2h, nous avons pris le chemin de la descente par la chemin classique cette fois, qui passe sur plusieurs lacs et redescend par à-coups en balcon pour rejoindre le chemin du Col de Fenestre. En passant sous la Cime St Robert, nous nous sommes dits quelle paraissait assez accessible, le couloir qui mène au sommet étant déneigé. La descente se fait elle aussi beaucoup dans les blocs d’éboulis, même si le chemin est plus facile à suivre, les cairns étant plus nombreux. Les 1200 m de dénivelé qui nous ramènent à la Madone sont douloureux pour les genoux et exigeant pour les chevilles. Rien à faire : un 3000, ça se mérite !


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